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Démarrons l’année du bon livre !

 Démarrons l’année du bon livre !

Les fêtes sont déjà loin et le mois des vœux est passé. Il n’est toutefois pas trop tard pour vous souhaiter de très bonnes lectures tout au long de cette année 2022.
La première sélection que je viens vous présenter cette année met en scène des personnages touchants, impressionnants dont les histoires vous passionneront sans aucun doute.

Les romans d’Anne Berest et de Sorj Chalandon ont en commun la volonté d’honorer les victimes de la Shoah, de faire le lien entre leurs histoires personnelles et la grande Histoire. Ils ont en commun d’emporter le lecteur dans des récits incroyables, émouvants, romanesques et pourtant vrais.

• La carte postale, Anne Berest

« Lélia m’a emmenée dans le bureau obscur où elle passe le plus clair de son temps, ce bureau qui m’a toujours fait penser à un ventre, tapissé de livres et de classeurs, baignant dans une lumière d’hiver sur la banlieue parisienne, l’atmosphère épaissie par la fumée de cigarette. Je me suis installée sous la bibliothèque et ses objets sans âge, souvenirs recouverts d’un duvet de cendres et de poussière. Ma mère a attrapé une boîte verte, mouchetée de noir, parmi la vingtaine de boîtes d’archives, toutes identiques. Adolescente, je savais que ces boîtes alignées sur les étagères contenaient les traces des histoires sombres du passé de notre famille. Elles me faisaient penser à de petits cercueils. »

 

Quatre prénoms sur une carte postale représentant l’opéra Garnier, les prénoms des grands- parents maternels, de l’oncle et de la tante de Lélia, la mère d’Anne Berest. On ne sait qui a envoyé cette carte dix ans plus tôt, qui a écrit les noms des quatre malheureux déportés et morts à Auschwitz en 1942. Les parents de l’auteur rangent la carte dans un tiroir et l’oublient.

Dix ans plus tard, sur le point d’accoucher, Anne Berest ressent le besoin de savoir qui étaient les deux hommes et les deux femmes de la carte postale : Éphraïm, Emma, Noémie et Jacques. Elle retrace leurs parcours de vie de la Russie à Paris, de la France occupée à la zone libre, des années 1920 à la libération.
On croise les héros de la résistance et les médiocres du quotidien, on s’interroge sur l’évolution d’une société qui aujourd’hui encore laisse parfois émerger des discours porteurs de haine et d’ignorance.

Ce roman qui nous raconte une quête familiale intense prend la forme d’un véritable hommage de l’auteur à ses ancêtres et donne envie de fouiller nos propres tiroirs…

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• Enfant de salaud, Sorj Chalandon

« Oui je suis un enfant de salaud. Mais pas à cause de tes guerres en désordre, papa, de tes bottes allemandes, de ton orgueil, de cette folie qui t’a accompagné partout. Ce n’est pas ça un salaud. Ni à cause des rôles que tu as endossés : SS de pacotille, patriote d’occasion, résistant de composition, qui a sauvé des français pour recueillir leurs applaudissements. La saloperie n’a aucun rapport avec la lâcheté ou la bravoure. (…) Le salaud, c’est le père qui m’a trahi. »

 

Alors qu’il couvre le procès de Klaus Barbie en tant que journaliste, Sorj Chalandon découvre le passé trouble de son père. Il parvient à consulter son dossier judiciaire aux archives départementales du nord et réalise que le héros de son enfance est un imposteur. Cet homme qui a endossé cinq uniformes différents en quatre années de guerre a menti, manipulé et trahi tout au long de sa vie. Il assiste au procès dans le public, derrière son fils qui tente de percer ses derniers mystères. Enfant de salaud est plus qu’une autobiographie, c’est le récit de l’une de ces petites histoires individuelles qui éclairent les grandes tragédies historiques.
Aux atrocités commises par le nazi se superposent les actes inconséquents du père mythomane, au déni de l’accusé qui déserte son procès répond la désinvolture de celui qui baille pendant le témoignage des victimes…

Peu importe qu’il ait imaginé sa confrontation avec le père, qu’il ait chamboulé la chronologie des événements, Sorj Chalandon exprime dans ce texte la souffrance de l’enfant maltraité par un père fabulateur et violent, un père à qui il aurait pardonné ses mensonges s’il avait, un jour seulement, montré un peu de tendresse au fils meurtri et blessé à jamais.

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Les romans de Karine Tuil et de Rachid Benzine mettent en scène les acteurs et les victimes de tragédies humaines.

• La Décision, Karine Tuil

« Le risque de prendre une mauvaise décision n’est rien comparé à la terreur de l’indécision. »

 

Alma Revel est juge d’instruction antiterroriste, elle interroge Abdeljalil Kacem parti en Syrie avec sa jeune épouse et arrêté en Turquie alors qu’ils tentaient de regagner la France avec leur petit garçon né dans l’état islamique.

Que faire de cet homme qui affirme au fil des entretiens regretter d’avoir rejoint la Syrie, avoir pris conscience de la barbarie de ceux qui l’avaient piégé ? Faut-il donner une nouvelle chance à ce jeune-homme dont la mère exemplaire se porte garante, dont la femme a trouvé du travail et qui souhaite d’après ses dires être avant tout un bon père ?

Telle est la décision à laquelle est confrontée Alma Revel alors qu’elle affronte également une période compliquée dans sa vie privée. Il lui faut là aussi prendre une décision déterminante pour son avenir et pour celui de sa famille. Elle n’éprouve plus pour son mari, un écrivain en manque d’inspiration, les sentiments qui les ont unis autrefois et elle aime en secret un avocat qui, pour compliquer les choses, représente le mis en examen.

Nous suivons avec empathie et une certaine angoisse le quotidien de cette magistrate, une femme avant tout, en proie aux affres de l’incertitude qui essaie d’être juste et de privilégier l’humain…

Prendra-t-elle les bonnes décisions ?

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• Voyage au bout de l’enfance, Rachid Benzine

« Moi ce que j’aime, c’est la poésie. Mon maître de CE2, monsieur Tannier, il m’encourageait toujours. Il me disait : « Fabien, tu seras un grand poète. Tu as tout pour réussir. Tes résultats scolaires sont excellents et tu as un imaginaire si créatif… » Je sais pas si c’est vrai mais en tout cas monsieur Tannier il y croyait dur comme fer. »

 

Fabien est un petit garçon de dix ans qui aime jouer au foot avec ses copains et au jeu des sept familles avec sa grand-mère ; par-dessus tout, il aime Jacques Prévert, il connaît ses poèmes par cœur. Et quand ses parents l’emmènent pour un long voyage, il prend ses poésies comme on emporte une bouée dans la tempête. Il quitte Sarcelles et arrive à Raqqah, il change de prénom, apprend l’arabe et trouve de nouveaux copains pour pratiquer son sport favori. Mais ses parents sont tristes, son père part au combat, sa mère l’attend… et un jour il ne revient pas. Commence alors une longue errance pour le jeune enfant et pour sa mère qui échouent dans un camp en Syrie Kurde où ils attendent que l’on décide de leur sort.

Rachid Benzine écrit à la première personne du singulier ce petit texte bouleversant d’humanité, il nous livre les sentiments de cet enfant qui dans les moments les plus difficiles se sert de la poésie pour réconforter sa maman.

Une lecture bouleversante et nécessaire.

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Ces deux romans enfin ont la particularité de trouver leur origine dans la rubrique des faits divers. Mathieu Palain découvre l’histoire singulière de Toumamy Coulibaly dans un article du Parisien et Philippe Besson s’inspire d’un entrefilet dans un autre quotidien pour nourrir sa dernière histoire.

• Ne t’arrête pas de courir, Mathieu Palain

« J’ai cherché d’autres articles et je suis tombé sur cette info que j’ai eu beaucoup de mal à croire : le 22 février 2015, quelques heures après avoir remporté le titre de champion de France du 400 mètres, Toumamy Coulibaly ne sabre pas le champagne. Il ne fête pas l’événement avec sa femme et ses enfants au restaurant. Non, il pose sa médaille sur la table de la cuisine, attrape une cagoule et rejoint quatre complices pour cambrioler une boutique de téléphones portables. »

 

Toumamy Coulibaly est un athlète prodigieux en passe de devenir champion olympique, il est marié, père de quatre enfants. Il est promis à un brillant avenir, inespéré pour un enfant de la banlieue né à la fin des années 80 dans une famille polygame de dix-huit enfants. Son père est venu du Mali pour trouver une vie meilleure en ramassant chaque matin les ordures des parisiens. Toumamy pousse tant bien que mal. De chapardages en vols plus organisés, il devient un jeune délinquant mais un jeune délinquant qui court vite et remporte le titre de champion de France du 400 mètres en 2015. Le sport aurait pu le sauver…
Mathieu Palain découvre l’histoire de ce champion des stades le jour et voleur cagoulé la nuit ; il décide de lui rendre visite à Réau où il est incarcéré. Le journaliste qui a le même âge, a vécu dans le même quartier et s’est rêvé footballeur professionnel dans sa jeunesse, veut comprendre comment l’athlète a été stoppé dans son élan pour échouer dans cette cellule.
Et parloir après parloir, les deux hommes tissent les liens d’une amitié peu ordinaire, Mathieu épaule Toumamy et Toumamy éclaire Mathieu. Ils parlent le même langage, celui du cœur.
Il y a dans cette écriture du réel une authenticité, une générosité qui représentent à mes yeux une fonction essentielle de la littérature, donner du sens à l’existence.

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• Paris-Briançon, Philippe Besson

« Bientôt, le train s’élancera, pour un voyage de plus de onze heures. Il va traverser la nuit française. Pour le moment, les passagers montent à bord, joyeux, épuisés, préoccupés ou rien de tout cela. Parmi eux, certains seront morts au lever du jour. »

 

L’auteur annonce la couleur dès les premières pages de ce roman aux allures de polar. Une dizaine de passagers embarquent dans la même voiture de l’Intercités de nuit n°5789, Paris-Briançon. Des inconnus partagent le même compartiment et ce huis-clos permet l’éclosion de relations rendues plus profondes par le temps suspendu de la nuit. Certains se dévoilent quand d’autres s’évadent d’un quotidien pesant, les barrières sociales et générationnelles tombent pour laisser place au partage de l’instant.

On se laisse bercer par les grincements familiers de la machine et le chuchotement des voisins, on se laisse emporter par une douce torpeur quand soudain, le récit bascule dans une épouvante qui bien qu’annoncée et soigneusement préparée par notre auteur ne manquera pas de vous surprendre.

Cette fois encore Philippe Besson nous étonne et nous séduit.

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Après ce début d’année qui prête à réflexion, rendez-vous au printemps avec le plein de livres plus légers.

Bonne lecture !

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Frédérique Vanandrewelt - Gradisnik

Professeure de français et passionnée par la littérature, Frédérique dévore les livres, et nous en parle… il y’en a toujours pour tous les goûts, tous les styles, et tous les niveaux.

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