fbpx

Trophée du MEIFF 09 : de mains de fée en mains de stars

Il a été couvé du regard par Naomi Watts, Orlando Bloom, Eva Mendes, Khaled Abol Naga, ou Golshifteh Farahani, a été reçu avec émotion ou fierté, dédié souvent à une équipe entière. Il a fait fantasmer sans doute, a comblé aussi les plus belles espérances. Mais, savons-nous qui se cache derrière cet objet si convoité ?

La perle et sa corolle : hommage à la beauté de la nature
De ses doigts de fée, seule Azza Al Qubaisi, créatrice de bijoux à laquelle on doit le lancement de la marque « Arjmst » (l’Atelier Arabe pour Bijoux et Pierres précieuses) pouvait dessiner le trophée du Festival International du Film du Moyen-Orient (MEIFF), festival proposé pour la troisième fois à Abu Dhabi du 8 au 17 octobre 2009. En même temps, l’objet conçu par la jeune artiste semble incarner à lui seul les dix jours de projection. De mains de fée en mains de star : un trophée, une épopée…
En regardant l’objet, on est immédiatement attiré par la perle, insérée en son centre, puis par la corolle qui l’entoure et dont la stylisation est particulièrement réussie. Mais,  pour ce trophée réservé aux stars du cinéma, Azza n’a pas créé qu’un seul bijou. Posé sur un socle, l’objet révèle une structure d’ensemble parfaitement harmonisée qui en fait une véritable œuvre d’art. Des éléments autres que la perle dans son « écrin » entrent en jeu, au premier rang desquels : les bordures qui forment le cadre et pourraient faire penser à des motifs de moucharabiehs, réinterprétés, bien sûr. L’idée de porte s’impose alors…Et ce n’est pas un hasard car, dans la carrière d’Azza, l’architecture joue un rôle important.


Objets inanimés, avez-vous donc une âme ?
Mais est-il possible que le trophée rende compte aussi d’un festival, dans son ensemble ?
Quelle idée en rapport avec le MEIFF d’Abou Dhabi symboliserait alors la perle noire ? La plus simple, pourrait-on dire : le seul rappel que le cinéma est bien un art. Et les prix qui ont été offerts durant la cérémonie de clôture nous le confirment. Saluons l’interprétation remarquée de l’acteur iranien Hamed Behdad et celle des deux actrices Alicia Lagina et Sonia Couoh. Saluons tous les réalisateurs de courts métrages qui, d’une façon ou d’une autre, auront marqué de leur talent ces journées du MEIFF. Saluons les innovations dans la manière de filmer, les montages originaux, la performance du réalisateur palestinien Elia Suleiman dont le film « Le temps qui reste » (« Al Zaman Al Baqi ») a été couronnée de la « Perle Noire du Meilleur long métrage du Moyen Orient ». Puis, revenons au trophée et à celle qui en est la créatrice.


D’une encablure à l’autre : nature et culture.
La stylisation des pétales où niche la perle noire est réussie. Et c’est un heureux hasard qu’une artiste si sensible à la nature ait créé un motif floral qui puisse rappeler aussi les préoccupations actuelles concernant l’avenir de la planète dont le cinéma se fait l’écho. Azza Al Qubaisi était présente, en janvier 2008, à Abu Dhabi,  lors de du « World Future Energy Summit », pour participer au lancement du projet de création de Masdar City : la première tentative mondiale de construction d’une ville ne produisant ni CO2 ni déchets.
Le trophée MEIFF 09, conçu par une telle marraine, récompense ainsi, de manière plus symbolique encore,  les efforts de tous les réalisateurs qui entendent préserver la nature, et ont participé à la session du festival intitulée  « What in the World Are We Doing to Our World ? ». C’est d’ ailleurs un film de cette section, « The Age of Stupid », réalisé par l’Américaine Franny Armstrong qui a reçu le « Prix Spécial du Jury » dans la catégorie des documentaires. Enfin, si  l’Australien Glendyn Ivin  a été consacré meilleur jeune réalisateur, pour son film «Last Ride » c’est peut-être, inconsciemment, que les membres du jury ont voulu rendre hommage eux aussi à la beauté naturelle de l’Australie…


De  frises de moucharabiehs en prises de vue engagées
Les « frises de moucharabiehs » qui délimitent le trophée crée par Azza Al Qubaisi ne sont pas refermées au centre mais laissent vide un grand espace opaque. Ce dernier pourrait préfigurer l’ouverture et l’espérance attendues, à l’aube du XXIème siècle. Les films proposés à Abu Dhabi ont permis, en effet, comme l’an dernier, de présenter d’autres sociétés où l’enfermement, sous toutes ses formes, est malheureusement  l’un des thèmes récurrents. Un grand nombre de projections ont posé, durant ce festival, le problème de la libération souhaitée ardemment quand un pays vous maintient sous sa coupe. Le film primé « No One Knows About the Persian Cats » (Kasi az Gorbehaye Irani Khabar Nadareh) du réalisateur Bahman Ghobadi n’a pas laissé indifférent puisqu’il a reçu le « Prix du Public ». Or, il s’agit bien d’échapper à un mode de vie imposé, dans ce pays trop policé qu’est devenu l’Iran. Autre prix prestigieux attribué grâce au trophée conçu par Azza : la « Perle Noire du meilleur long métrage » qui est allée au réalisateur russe Valéry Todorovsky pour son film « Hipsters » (Stilyagi). Même pouvoir oppressif qu’il s‘agit de contourner – d’ailleurs encore par la créativité, la musique ou d’autres formes d’expression.


En définitive, le trophée d’Azza Al Qubaisi restera bien emblématique de ces quelques jours de projections organisées sous l’égide du MEIFF. Même si le noir porte malheur, la perle grise, elle, est censée apporter le bonheur. C’est un beau gage pour le festival d’Abu Dhabi, qu’il continue à être organisé par Peter Scarlet ou non. Autre atout : l’espace qui entoure la perle ressemble à une porte. Que voulait donc signifier l’artiste sinon que les battants ouvrent l’ère du possible. Pour un trophée, quelle plus belle symbolique ? Car si les prix sont attribués, ils le sont aussi avec de coquettes sommes d’argent (entre 5.000 et 100.000 dollars)  qui permettent aux cinéastes d’aller de l’avant pour réaliser les projets qu’il ont déjà en tête… Et qu’ils se gardent bien de nous dévoiler d’ailleurs. Mais ceci est une autre histoire…

Clothilde Monat

Vous aimerez aussi