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Wajdi Mouawad, un poète sans frontières

Photo Dwayne Brow

Je suis tombée en amour avec cet artiste par hasard. Un soir de printemps à Montréal. C’était en 2004, lors de la dernière représentation d’Incendies. Il quittait la direction du célèbre Théâtre de Quat’Sous.

La pièce durait 4h – presque aussi longue que la Trilogie des dragons de Robert Lepage – mais le temps s’est arrêté. Je ne voudrais pas tomber dans des lieux communs, mais cette pièce m’a définitivement marquée. Mon regard sur le théâtre contemporain a été bouleversé. C’était pour moi le nouveau Shakespeare, un poète discret qui a imposé un souffle nouveau au théâtre épique contemporain.

Ainsi, j’ai découvert Wajdi Mouawad. Son nom vous dit peut-être quelque chose car il était l’artiste associé au Festival d’Avignon pour la saison 2009. C’est un homme de théâtre, à la fois metteur en scène, auteur et comédien.
D’origine libanaise, il a quitté son pays natal à l’âge de huit ans pour la France puis a émigré au Québec en 1983. A l’âge de vingt ans, il a écrit sa première pièce, une dizaine d’autres ont suivi et parcouru le monde. Depuis 2008, Wajdi Mouawad dirige le Théâtre Français du Centre national des Arts d’Ottawa. Il vient de recevoir le prix du théâtre de l’Académie Française pour l’ensemble de son œuvre.

Avec Ciels (2009), Wajdi Mouawad, termine son cycle « le sang des promesses », inauguré par Littoral (1999), suivi d’Incendies (2003) et de Forêts (2006). Un cycle sur la transmission et l’héritage où il dépeint un monde en quête d’identité et de sens.

Incendies

« Je t’ai cherché
Là-bas, ici, n’importe où.
Je t’ai cherché sous la pluie,
Je t’ai cherché au soleil
(…)
Je t’ai cherché au sud
Au nord,
À l’est
À l’ouest,
(…)
Je t’ai cherché en regardant le ciel
(…)
Qu’y a-t-il de plus seul qu’un oiseau,
Qu’un oiseau seul au milieu des tempêtes
Portant aux confins du jour son étrange destin ? »


On n’arrête pas le cours d’un fleuve, de même on ne résume pas le mouvement de la vie qui traverse Littoral, Incendies et Forêts. Le temps et le monde n’ont pas de frontières pour ce voyageur, aussi il nous emmène du Québec au Liban en passant par les Ardennes et la guerre 14-18 à la chute du mur de Berlin. À chaque fois, il s’agit de recomposer, une histoire familiale douloureuse et enfouie, et ainsi de se libérer d’un mal-être de vivre.

Littoral

« Ca fait un peu mal de rêver toujours. Ca rend fou, mais ce qu’il y a de plus douloureux dans le rêve, c’est qu’il n’existe pas ».


Pour lui, il n’y a pas de salut sans vérité ni parole. Tous ses personnages lui ressemblent. Ils cherchent leur place dans le monde, et savent inconsciemment qu’ils ne pourront la trouver tant que leur histoire familiale ne sera pas éclaircie. Chacun se retrouve dans son humanité touchante et bouleversante.

Aussi, je ne peux que vous recommander vivement de lire ou d’assister à ses pièces théâtrales.


Enfin, je terminerai par une citation de Wajdi Mouawad qui me semble tout a fait juste :

« Aller au théâtre, c’est prendre le risque d’être perturbé, inquiété, déplacé dans ses croyances ou ses convictions. C’est par transparence que l’on découvre des éléments de sa propre vie, et que l’on apprend sur soi ».

Prenez le risque de le lire…

Anne-Sophie Brault-Hamia

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