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Passer Noël chez-soi !

 Passer Noël chez-soi !

Est-ce le fait que la compagnie aérienne ait annulé les vols pour mon île Maurice natale, brisant ainsi tout espoir de célébration avec les miens, est-ce le fait de lire dans les journaux que, cette année encore, nombreux sont ceux qui ne pourront connaître la joie des retrouvailles familiales, l’expression de chez-soi m’habite depuis plusieurs jours. Pour les expatriés que nous sommes, cette expression est tant une promesse qu’une interrogation : qu’est-ce que le chez-soi ? 

Le chez-soi semble avant tout être un lieu, un sol ferme qui, même s’il n’a plus été foulé depuis un certain temps, demeure cette fondation solide qui rassure. Mais la terre natale n’est pas forcément le chez-soi ; n’est-ce pas ce qu’ont montré des siècles de voyages, de conquêtes, de migrations, d’explorations ?
La langue anglaise émet une nuance essentielle entre « house » et « home », le premier étant un lieu physique, tandis que le second détient une valeur affective et symbolique, nuance que l’on retrouve dans le terme allemand « heimat » qui désigne tant l’endroit de naissance, que la terre habitée ou celle qui est un refuge en cas de danger. 

Le chez-soi est aussi et surtout affectif : il est constitué de parfums de plats cuisinés et de saveurs acidulées ou sucrées. Il est contenu dans cette madeleine trempée dans le thé que croque le narrateur de La Recherche du temps perdu ; il est le coffre précieux des souvenirs d’enfance. En ce sens, le chez-soi est moins géographique et frontalier que symbolique et poétique. Comme l’air, léger et vital, il nous suit dans nos pérégrinations. 

A Dubaï, après avoir posé la question du chez-soi à celui ou celle que l’on vient de rencontrer, il n’est pas rare qu’un sourire soit esquissé et qu’une explication aussi longue que passionnante s’en suive. Si cela est probablement accentué dans cette ville-monde incarnation de la mondialisation, n’est-ce pas cependant le cas de tous, car tous nous avons été nourris d’influences multiples, de rencontres diverses, de métissages inattendus qui sont venus enrichir le concept du chez-soi, parfois même sans que nous nous en rendions compte.  

Qu’est-ce que mon chez-moi ? Il est avant tout une couleur : le bleu turquoise de l’île Maurice qui m’a apporté la créativité, le bleu roi de la France qui a développé mon esprit critique, le bleu de l’œil de Fatima qui a enrichi mon imaginaire depuis que je vis au Moyen-Orient. Mon chez-moi, ce sont aussi les romans de Guy de Maupassant qui ont accompagné mon adolescence, la musique de Boney M sur laquelle mes parents faisaient la fête, les essais d’Edouard Glissant qui ont forgé ma vision du monde, les films avec Maryline Monroe que je visionnais de façon boulimique. Mon chez-moi, ce sont tous les lieux, géographiques, romanesques, cinématographiques, poétiques, musicaux qui m’ont accueillie et tous ceux que je continue de rêver. 

On entend régulièrement une voix s’élever : elle énonce avec des trémolos de peur que l’identité disparaît, que bientôt on ne saura plus définir le chez-soi. Le problème du chez-soi, ce n’est peut-être pas tant qu’on ne parvienne pas à le saisir, mais que l’on s’obstine à l’accorder au singulier alors qu’il n’a de sens qu’au pluriel, à l’image de la nature humaine dont le voyage et le mouvement ne cessent jamais. Mes chez-moi cheminent sans conflit, portes et fenêtres ouvertes à toutes expériences, construisant celle que je suis. 

Parce que c’est Noël et que l’on a peut-être le droit, peu importe l’âge, d’être un peu rêveur, je formule un souhait : que le chez-soi devienne les chez-soi, que le terme ne soit plus employé qu’au pluriel.
Décliner avec fierté ses chez-soi, c’est empêcher une vision figée et haineuse pour cheminer vers une identité composite et heureuse à laquelle on ne peut opposer ni murs ni frontières. 

Où que vous soyez, je vous souhaite un joyeux Noël, chez vous.   

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Anouchka Sooriamoorthy

La rédaction, c’est une équipe de passionné(e)s par l’écriture et les « histoires » de Dubai. Retrouvez l’ensemble de l’équipe rédactionnelle actuelle sur la page Qui-sommes-nous.

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